Levées de fonds vues Par Mr Benoît De Juvigny, secrétaire général de l’AMF

Icos - Mr Benoît De JuvignyDans cet article, je vais essayer de vous éclaircir un peu les idées sur l’utilisation croissante de la technologie Blockchain par les entreprises pour lever les fonds, ainsi que sur les pistes de régulation possibles pour assurer la protection des épargnants et des investisseurs qui souhaitent participer à ces opérations. Tout ça en vous transmettant fidèlement l’intervention du secrétaire général de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) Mr Benoît De Juvigny à l’occasion de l’audition du sénat tenue le mois dernier. Pour introduire son propos Mr Benoît nous donne  deux exemples de la technologie Blockchain pour aller dans le sens de l’équilibre entre régulation et soutien à l’innovation.
Ces projets Blockchain pour l’AMF), c’est par exemple le projet de réorganisation complète du post marché des 12000 fonds qui existent en France et qui est porté par la plateforme Business et la société SETL associée à cinq grandes sociétés de gestion françaises. Ce sont des projets intéressants. C’est le projet ‘les cuites cher’ qui vise là aussi ––sur le post marché des PME––  à produire un système beaucoup plus économique et plus rapide en matière d’organisation du marché des PME. Comme mauvais exemples, on a les plateformes de dérivés sur Bitcoin qui escroquent assez facilement le Français moyen en lui proposant des rendements surréalistes et qui se développent à toute allure sur internet en ce moment. Donc évidemment quand on a ces nouvelles technologies, on a le meilleur et le pire.

ICOs, La Nouvelle Forme Des Levées De Fonds

Ce que l’AMF a vu se développer ces derniers mois ce sont les Initial Coin Offering (ICOs). C’est une nouvelle forme de levées de fonds que la Blockchain autorise, et qui est une sorte de levée de fonds du public, réalisé donc grâce à la Blockchain par le biais de jetons, qu’on appelle token dans notre jargon ––qui sont des codes informatiques qui créent des sortes d’actifs numériques plus ou moins échangeables sur la Blockchain. C’est pas quelque chose que l’AMF en est allé inventer, en moins d’un an, l’AMF a vu  21 porteurs de projets d’ ICOs qui sont venus nous voir, et parmi ces 21 projets on peut vous dire qu’il y a déjà quatre projets qui ont levé par cette technologie environ 50 millions d’euros, et qu’il y en a une dizaine d’autres qui ont déjà dans les tuyaux des projets d’environ 350 millions d’euros de l’équivalent en levées de fonds (ICOs) cumulées. Donc c’est quelque chose réelle qui arrive et que l’AMF ––en tant que régulateur–– doit accompagner et réfléchir sur le plan juridique, qu’est-ce qu’on peut faire et comment on doit le traiter?

C’est pour ça que L’AMF a lancé une grande consultation publique au mois d’Octobre de l’année dernière qui avait plusieurs éléments, d’abord on a essayé de décrire à peu près ce qu’on voyait dans ces nouveaux types de levée de fonds. On a rappelé tous les risques associés, c’est aussi notre métier de régulateurs de le rappeler, on a proposé après, en droit existant des qualifications juridiques, et ensuite on a proposé des pistes de réflexion pour d’éventuelles nouvelles évolutions réglementaires.

Complications Liées à La Nature Des ICOs

Dans les qualifications existantes du droit donc existants de ces ICOs, la première idée qui peut venir à l’esprit, c’est celle de les assimiler à des titres financiers, titres de capital ou titres de créances.

En pratique, en droit on voit que ça ne marche pas ou que ça marche mal, et que de toute façon si on fait rentrer les ICOs dans ces catégories-là, on doit leur imposer en général un prospectus qui n’est pas vraiment (en droit des marchés financiers) l’instrument de présentation le plus adapté, il n’est vraiment pas fait pour ça. Vous avez aussi toutes les règles de gestion collective qui pourraient éventuellement s’adresser à eux, là aussi on ne pense pas que le cadre soit très pertinents. Vous avez en droit Français, une troisième catégorie qui est plus intéressante, c’est celle qu’on appelle les “biens divers”. Elle a été créée par le législateur il y a une trentaine d’années, il y a un deuxième régime qui a été créée dans le cadre de la loi sapin 2, donc on a déjà deux régimes de ”biens divers” qui visent ––par principe––  des projets ou des actifs qui ne rentrent pas dans les catégories d’actif de titres financiers traditionnels. Là aussi notamment on peut avoir aujourd’hui des levées de fonds par ICOs qui pourraient rentrer dans ces catégories de “biens divers”, mais en même temps, le fait que les ICOs soient dans la catégorie “bien divers” induits et impose de proposer des documents d’enregistrement qui vont devoir être soumis à l’AMF. En pratique ça peut viser ––l’AMF fait son constat et dit à certains des porteurs de projets attention il y a des règles du jeu, vous êtes là dans la catégorie “bien divers” faites attention respectez les règles, en même temps c’est assez facile pour les porteurs de projets d’échapper à cette catégorie. Dès qu’on leur décrit, par exemple un bien divers ça demande d’affilier un bien divers étendu, le nouveau régime issu de la loi sapin 2, c’est la possibilité d’un rendement financier ou ayant un effet économique similaire. Il suffit de ne pas le présenter comme ça pour échapper à cette réglementation. Et de toute façon le document d’enregistrement n’est pas très adapté, donc on se retrouve devant une situation compliquée parce qu’avec ces tokens on a beaucoup de mal et on ne sait pas les qualifier juridiquement –– ce sont des objets juridiques non identifiés.

ICOS, Pistes De Régulation Proposées

Dans les pistes de régulation proposées, on a eu 82 réponses à notre consultation publique, 82 réponses dans l’histoire de l’AMF ? C’est du jamais vu, et ces réponses viennent de tous les horizons, c’est à la fois des porteurs de projets, c’est des avocats, des institutions, des banques et des acteurs étrangers. Beaucoup nous ont répondu parce qu’on est quand même leader sur ce point. Cette réflexion intellectuelle juridique sur ces ICOs. Ce papier a montré que l’AMF était en avance sur ce sujet en France.
La difficulté pour nous maintenant, c’est de qualifier ces ICOs, les propositions qu’on a faites en évitant cette qualification « titres financiers », c’est soit de proposer de rester à un niveau non réglementaire, le code de bonne conduite qui serait sponsorisé par l’AMF. C’est une solution pour laquelle juste une petite minorité des répondants étaient en faveur. Et enfin c’est de proposer une régulation. Évidemment, si c’est une régulation ça demandera le recours aux législateurs, à la loi, avec deux grandes catégories de régulation : l’une qui serait une loi qui obligerait tous les porteurs des ICOs à rentrer dans un cadre, l’autre consisterait à proposer un cadre législatif mais qui serait optionnel, qui ne serait pas obligatoire. Il y a eu beaucoup plus de répondants qui ont été en faveur de cette dernière option qu’est la régulation dite optionnelle, et donc il est probable que le collège de l’AMF s’en inspire pour proposer au gouvernement et au parlement une régulation, une loi qui va dans ce sens.

Qu’est-ce qui aurait dans cette loi?

Encore une fois l’AMF ne souhaite pas qualifier juridiquement ces tokens, je pense que c’est une mauvaise piste et qu’on n’y arrivera jamais. Par contre, il me semble qu’il y a une possibilité de demander aux porteurs de projets, de présenter ––dans ce qu’on appelle en général dans le jargon–– des « white paper » qui sont des documents de présentation de ces ICOs, de se présenter, d’avoir une personne morale identifiable –– identifiée derrière, on sache qui est le porteur de projet––  que le projet soit décrit, que les risques soient décrits, que les droits conférés par le token soient présentés. Dans ces droits présentés par le token vous avez soit des droits d’usage, quand plier à ces projets on propose que ces ICOs donnent des jetons qui permettent d’utiliser les projets qui sont développés, vous avez aussi des droits qui sont liées à des perspectives de revente sur un marché secondaire qui est rarement bien présenté, et qui peut lui-même s’associer à des droits financiers ou à des droits de gouvernance associés au projet.

C’est parfois le cas, mais encore une fois, ce n’est pas toujours le cas. Ça c’est pour nous un des sujets beaucoup plus compliqué. Dans cette régulation, quel est le marché secondaire qui va être décrit, qui va être proposé ? Quelles sont les garanties qui s’y attachent ?

Complications liées aux types D’Expertise Informatique

Un autre sujet compliqué qui c’était d’ailleurs souvent proposé, c’est quel est le type d’expertise informatique qu’on peut mettre dans ces projets dans la mesure où on a vu beaucoup de projets qui, d’après les spécialistes, paraissent assez creux et pas très intéressant et qui dans d’autres cas, sont réputés très intéressants, est ce qu’on imposerait une sorte de dire d’experts qui permettrait de crédibiliser dans une certaine mesure ces projets.

Enfin dans cette régulation, évidemment puisque les porteurs de projets sont identifiés normaux et importants, les investisseurs par un système de registre soient bien identifié, ne serait-ce que pour qu’une des règles du jeu en matière de lutte contre le blanchiment, de financement du terrorisme soit également décrit.

Dernière condition qui pourrait intervenir, c’est de prévoir une sorte de séquestre qui serait évidemment le système de portefeuille électronique géré en ligne, et qui permettrait aussi –– car dans ces projets très souvent on sait pas si on va lever trop ou pas assez par rapport aux levées de fonds et c’est toujours important––  d’avoir une des règle de jeu assez clair pour savoir où vont les fonds qui vont être levés.

Voilà où L’AMF en est dans ces réflexions sur cette éventuelle nouvelle régulation. Ça parait encore  imprécis, mais l’AMF est toujours en train de dépouiller cette consultation et de réfléchir à ce sujet qui n’est pas simple et qui est très important. L’AMF a promis que nous en sauront davantage dans les prochaines semaines et dans les prochains mois après que toutes les parties concernées seraient sollicitées dans ce cadre.

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